Non, décidément ce n'était vraiment pas une bonne idée. Vraiment pas. Mais malheureusement, elle ne pouvait faire autrement, à part Maxwell, Paige ne connaissait plus personne dans cette ville depuis la mort d'Adrian et elle n'avait aucune envie de demander de l'aide au père de ses enfants et subir encore plus de mots et attitudes désagréables, de railleries et en entendre parler pendant 10 ans à compter de ce jour... Tout mais pas ça.

Et si, d'un point de vue extérieur, la vie de la jeune sorcière pouvait sembler... correcte, disons, en vérité, c'était une toute autre réalité, en semi-dépression depuis qu'elle avait perdu son seul et unique amour, la seule chose, ou plutôt les seules choses qui faisaient tenir la jeune femme étaient les jumeaux qu'elle attendait, mais une fois n'est pas coutume, un bonheur était toujours terni par un problème : elle et le père se détestaient. Même s'ils faisaient des efforts pour se supporter.

Quoiqu'il en soit, Paige n'avait pas toujours eu cette raison de vivre dans son malheur, juste après la mort du vampire, elle s'était réfugiée dans la seule chose qui lui faisait un peu de bien : l'alcool et la drogue. La boisson, passe encore, mais la drogue étant illégale, elle s'était débrouillée comme elle le pouvait pour s'en procurer et ce bout de son passé pas si éloigné la rattrapait aujourd'hui : elle devait payer ses dettes. N'étant pas très aisée financièrement, elle avait commandé des doses, des doses et encore des doses jusqu'à avoir une ardoise de la taille d'un hippopotame.

La future maman avait réussi à leur échapper pendant plusieurs mois mais il ne fallait pas se voiler la face, ces gens là gagnaient toujours et elle ne voulait pas qu'ils prennent ce qu'elle leur devait par d'autres moyens... Ce n'était pas seulement elle qu'elle mettait en danger mais aussi ses enfants à venir bientôt. Alors, quand elle avait entendu au détour d'une ruelle quelqu'un parler d'un certain gérant de bar qui 'prêtait' de l'argent sans passer par des banques trop curieuses, elle comprit que c'était son option la plus réaliste.

Elle avait donc cherché, et trouvé, ce Thomas Weisman. Et était actuellement dans son bureau à l'attendre, sous la surveillance d'un jeune blond pas très loquace ni sympathique...

La porte du bureau s'ouvrit sur un homme en costume, brun, sûr de lui, nul doute qu'elle était en présence de ce Monsieur Weisman et effectivement il s'assit au bureau en face d'elle, sur la chaise du big boss. « Il me faudrait un nom et la somme voulue. » Déjà agacé visiblement, il sortit une cigarette et l'alluma, certes il était dans sa propriété et si Paige était fumeuse habituellement, là elle était surtout enceinte et nauséeuse, ce qui eu le don de l'agacer aussi même si elle devait faire bonne figure, après tout c'était elle qui demandait une faveur à cet homme. « Et pour le remboursement, ayez une bonne argumentation pour avoir le meilleur délai possible. »

Paige leva un sourcil, intriguée, elle était la cliente, d'accord mais elle était toujours la jeune femme au sale caractère. Prenant sur elle pour éviter de lancer le cendrier sur l'homme, elle prit une inspiration. « Paige Matthews, 100 000 dollars. Oui, elle n'y avait pas été de main morte et devait beaucoup d'argent, les intérêts ajoutés y étaient pour beaucoup aussi, elle continua cependant, sans se démonter. Je dois pas mal d'argent à des dealers de Los Angeles, il y a quelques mois mon petit ami a été tué et je suis tombée dans la drogue, j'avais tellement besoin de ma dose pour me sentir à peu près bien que j'ai arrêté de me restreindre par rapport à mes finances, j'achetais à crédit et de commande en commande, je n'ai plus été en mesure de payer ce que je consommais. »

Néanmoins, peu impressionnée par Thomas, elle planta ses yeux dans les siens et reprit, hors de question de passer pour une petite chose fragile qui avait besoin de quelqu'un. « Je suis totalement clean aujourd'hui et je pourrais me débrouiller autrement mais j'ai pensé que passer par vous serait plus rapide. » Elle jouait gros sur ce petit coup de bluff mais il fallait le tenter, elle n'avait toujours pas appris à réfléchir avant de parler.

Finalement, soit son bluff avait marché, soit Thomas était dans un jour de bonté, quoi qu'il en soit, il dépêcha son assistant, le jeune blond, pour aller chercher l'argent qu'il fallait à la jeune femme, non sans s'être permis une question très indélicate auparavant... Paige fusilla d'ailleurs l'homme en face d'elle à l'entente de cette question pour le moins déplaisante. Combien de fois s'était-elle posé cette question elle-même ? Elle n'avait pas besoin d'un psy mais d'un banquier illégal. Néanmoins, elle y répondit tout de même. « La... drogue ne fait effet qu'un temps, on se sent mieux l'espace d'un instant. Mais le pire est après, lorsque l'on se souvient. Lorsque je me souvenais... d'Adrian. » Sa gorge se serra et elle laissa le reste en suspend mais il ne fallait pas sortir des grandes écoles pour comprendre qu'elle avait fait en sorte de ne plus avoir une seule seconde de lucidité pour ne pas se rappeler sa peine.

Avec un sourire des plus arrogants, il baissa son regard vers son ventre puis reporta son attention sur la jeune femme, un air narquois. « Ils sont en parfaite santé. Vous avez de la chance. » Il n'en fallut pas plus pour mettre la puce à l'oreille à Paige, si jusque là elle avait simplement trouvé Thomas et, surtout, son assistant un peu étranges, elle n'avait maintenant plus aucun doute. C'étaient des vampires. Et qui sait si d'autres personnes ici ne l'étaient pas aussi ? Ou d'autres espèces ? Elle remercia d'un signe de tête le vampire en costume pour l'argent ramené par le blondinet. « Je sais. Nous autres, humains, avons ce que l'on appelle communément une échographie. » Qui était bien pratique, soit dit en passant.

Elle marqua une pause puis reprit ensuite, un sourire en coin. « Je sais que vous êtes un vampire, et votre assistant aussi, voir d'autres personnes ici, ce qui ne m'étonnerais pas. » Faisant tourner la bague d'Adrian autour de son doigt, elle s'amusait intérieurement de la situation, comment aurait-elle pu faire pour ne pas reconnaître un suceur de sang devant elle alors qu'elle avait vécu pendant des mois avec un des leurs ? « Oh, et, je ne suis pas humaine. Enfin, pas totalement. »

Paige se leva de son fauteuil en prenant le sac, après avoir écouté les conditions de remboursement de Thomas. « Je serais là en temps et en heure, merci. » Prête à repartir d'où elle venait, et d'aller rembourser ses dettes aussi puisqu'elle était un peu ici pour ça, elle se dirigea vers la porte avant d'être hélée par le gérant du bar, mouché par l'esprit de déduction de la jeune sorcière.

L'excès de confiance de ce Weisman hérissait au plus haut point le poil de la jeune sorcière qui fut obligée de prendre sur elle pour ne pas exploser, après tout, la situation n'était pas du tout à son avantage, aussi pédant qu'il était, Thomas était surtout un vampire, ainsi qu'une bonne partie de ses hommes, et toute sorcière qu'elle soit, il pouvait la briser comme une brindille. Elle et les enfants qu'elle portait. Il fallait faire profil bas.

Elle sourit donc à l'homme assis en face d'elle, sirotant son verre en lui rappelant qu'elle était vulnérable, comme si il lisait dans ses pensées. « Certes. » Cette pensée la terrifia et elle eut un léger mouvement de recul, se reprenant bien vite en priant pour qu'il n'ait rien remarqué. Elle prit la mallette sur le bureau et la glissa à ses pieds, faisant un mouvement de tête en direction de Thomas pour le remercier.

Et un miracle se produisit. Comme à son habitude lorsqu'elle était anxieuse, elle jouait avec la bague d'Adrian qui trônait toujours à son doigt, l'ultime souvenir qu'elle possédait de lui. Fixant la bague, Thomas expliqua qu'il avait connu un vampire amoureux d'une sorcière qui était mort il y a peu de temps, se pourrait-il qu'il eut connu Adrian ? La prudence était de mise, sachant le nombre d'ennemis qu'avait eu son ancien compagnon.

Néanmoins, quand il précisa qu'il serait plus indulgent avec la fameuse femme de son histoire, elle plongea son regard dans celui de Thomas et décida de tenter sa chance. « Adrian Mara. C'était son nom. Et... C'était sa bague. » Ajouta-t-elle en y jetant un œil. « Je suppose que c'est lui le vampire que vous avez connu, Monsieur Weisman. »